flou artistique (gab)

Y'avait cette espèce d'ambiance de boom, pendant ces soirées ringardes de camping. Sauf que c'était pas comme tes blazers à carreaux, ou comme tes pantalons à ourlets, c'était dans le sens négatif du terme. T'avais pas la tête à t'amuser, t'avais pas la tête à tout ça. Du coup, tu fais la gueule, parce que les traits de ton visage ont été conçus pour ça. T'es affalé sur cette chaise dépliable pas confortable, y'a juste cette espèce de brume invisible qui empêche les tocards de t'approcher de trop près. Y'a contact, ça te braque, ça te dérange, la gamine qui parle comme les tantes relous pendant les mariages. On dirait pas, mais elle a assez de force pour te faire lever de ta chaise, tes yeux la transpercent, comme si elle t'avait agressé. "Euuuuuuh non ?" que tu craches, l'air presque outrée. Depuis quand on aborde des inconnus comme si c'était des potes de longue date ? Vous aviez pas élever les cochons ensemble, qu'est-ce que ça veut dire ? Mais la gamine, elle sent l'alcool, la gamine, elle put la joie de l'ivresse et ça te donne soif. Soupire agacé, soupire grognon. "Il m'faut un verre".

C'était peut être à cause de ton esprit contradictoire, mais t'avais jamais accroché avec les personnages joyeuses. Trop d'optimisme pour ton esprit sombre et sarcastique. Trop de douceur pour ton côté sauvage, tes crises de colères. Trop de sourires là où toi tu lançais des éclairs. Tu voyais pas d'intérêt à danser sur des hits des années 90 quand tu pouvais utiliser cette énergie pour écrire ce genre de scènes dans tes courts-métrages. Premier point positif de Miss Sourire, c'est qu'elle l'emmène vers le bar. Un verre qui passe entre tes doigts, liquide qui détend tes muscles un petit instant. "A ce stade, c'est même plus des verres qu'il me faut mais des caisses." que tu marmonnes entre deux gorgées. Gab, t'avais jamais su boire comme les grandes personnes. C'était toujours trop vite, le ventre vide, sans jamais regardé l'étiquette. Regard lourd de jugement sur la piste de danse remplie de bouffons en bermuda. "Congé imposé. Comme si le camping pouvait me détendre. Comme si j'avais BESOIN de me détendre ?". Tu claques ta langue contre ton palais, nerveusement. T'avais pas envie de te reposer, pas envie de danser sur du Mylène Farmer, pas envie de sourire à toute une brochette d'inconnus. Mais attention, Gab, parce que vu tous les verres que tu t'enfiles, tes envies risquent bien de changer.  

C'était devenu une habitude pour les gens de ce putain de camping de parler aussi ironiquement avec toi ? Tu savais pas mais en tous cas, t'aimais pas ça. Ca te donnait envie de casser des gueules, de tordre des nuques, de briser des couilles et de crever des yeux. Alors, oui, peut être que t'étais pas détendue comme fille, mais c'était ta manière d'être, c'est comme ça. Le contact te rendait bien plus nerveuse que la solitude, ça te rendait même aigrie. Mais là, tout de suite, tu commences à être ailleurs, tu commences à sentir tes muscles se ramollir. Quand la demoiselle te regarde, tu la pointes du doigt, y'a un rire, une espèce de gloussement qui coince dans ta gorge. "Qu-Quoi ? Tu me croies pas capable de danser à cette soirée de plouc, c'est ça que tu dis ? C'est parce que j'suis asiat ? Attends, attends, non mais attends, tu vas voir, attends.". Tu balances presque ton verre vide pour aller te coller à Jean-François-De-Marseille que tu ne connais absolument pas. Tu t'en fiches, si c'est du Maître Gims qui passe, tu t'frottes au monsieur qui doit avoir facile une bonne dizaine, vingtaine d'années de plus, tu t'agrippes à son cou en riant, tu sors à la demoiselle. "Eh, eh, toi, oui toi ! Tu voies ? Je suis capable, j'te dis !". Tu lâches rapidement l'antiquité qui te servait de cavalier pour aller attraper la main de la gamine. "Fais pas genre t'as pas envie de danser avec moi, viens, att-attends, attends, où est mon verre ? Mon VERRE ?". Ça te monte trop vite au cerveau, tu sais même plus de quelle couleur était ton dernier cocktail.