EVENT : COUPE DU MONDE 2018

Les billes illuminées de Béatrice s’arrêtent devant l’ambre délicieuse des bières sous son nez, son reflet caresse le verre glacé, l’espace d’une seconde elle est l’accompagnatrice dévouée du camping, celle d’après, la voilà brandissant sa chope, elle traverse le bras en l’air la foule du bar pour se remettre devant l’écran et elle descend la boisson dorée comme du petit jus. « ....FEEL THE MAGIC IN THE AIR, ALLEZ, ALLEZ, ALLEZ. » Bruyante, nerveuse, Béatrice a les yeux rivés sur la télé, le conversations écrasent sa voix débordante d’excitation, créant un flot continu de dialogues allumés par l’énergie patriotique, ou simplement le bonheur de se retrouver dans un endroit où les vapeurs de sueur viennent éponger les murs pour la bonne cause.

Vingt ans que Papa traverse le salon avec sur les épaules le drapeau tricolore, scandant des noms tous plus iconiques les uns que les autres, elle ne l’a pas vu suivre les matchs les uns après les autres, mais les murmures de ses aînés répètent sans cesse qu’ils ont été la génération de 98, dans la rue les voitures sont encore sagement garées, mais Béatrice sent que ça ne va pas durer longtemps et déjà la fin d’après-midi voit défiler le bleu, blanc, rouge dans le village.


...Les dernières secondes sont les plus électriques, les visages se crispent, les doigts se resserrent autour des verres humides, jusqu’à l’exultation, c’est la victoire, LA VICTOIRE! Béatrice ne quittant que rarement Sam des yeux depuis le début de la partie, sans trop savoir si c'était raisonnable attend elle aussi le dernier moment et quand les cris des commentateurs s’associent à ceux du peuple écrasant le bar, elle s’appuie sur les épaules du barman et explose en cris de joie « LA FRANCE EST CHAMPIONNE DU MOOOOOOOOOOOOOOONDE!!!!! »

Beaucoup de monde voyait déjà la France perdante et ça avait le don de t’énerver. Pour leur défense, tu aborder tous les arguments pour leur clouer le bec. Et ce soir tu es d’autant plus fier de l’équipe en sachant que vous êtes sur le point de gagner. Oui, tu vas pouvoir fêter cette coupe du monde comme il se doit. A boire à leur santé et en celle des autres français. En remerciement au rêve qu’ils vous ont offert pendant ces trois mois. Cette victoire ci tu ne la fêtera pas en sautant comme un fou sur le trampoline du jardin à tes parents. Tu n’as plus sept ans et demi. Tu vas le célébrer autrement, avec de l’alcool probablement et une nuit entière à crier ta joie.

Les yeux rivés sur l’écran géant, tu as même abandonné ta bière de sorte à avoir les mains libres au moment de la libération finale et là…et là ! LE COUP DE SIFFLET FINAL. La France, Championne du Monde ! L’euphorie qui explose, les cris, les larmes de joie. C’est une sensation grisante, indescriptible en somme. Et une voix à ton oreille, qui cogne toute cassée par l’excitation. Tu ne la vois pas encore, mais tu la devines derrière toi, ainsi que ses mains qui s’appuient sur tes larges épaules. Béa. Béatrice toujours là. Tu avoues aimer son engouement pour le football et son tempérament de supportrice la rend même carrément attirante. Tu fais volte face pour la regarder, hurlant à tue tête pour mieux vous entendre au milieu de la houle. Tu lèves les bras au ciel avant de les glisser autour d’elle, pour l’enfermer contre toi et la soulever tellement tu es heureux. Elle a un poids plume Béa et tu la soulèves tellement haut qu’elle peut à sa guise enrouler ses jambes autour de ta taille. Chose que tu attends inconsciemment, dans la folie de l’instant ! Tu la regardes dans les yeux et tu ris, conquis : tu t’agites tellement que tu lui infliges des secousses à faire tourner la tête. ’’PO PO PO PO-PO POOOO (…)’’ Et ça dure un instant avant de lui sourire radieusement et de lui remettre machinalement (ou pas) la mèche qui encombre son regard derrière l’oreille. Dangereux mon cher Sam, surtout parce que tes yeux migres sur sa jolie bouche.

La noyade dans son sourire elle l’attendait pas et le bouleversant cri de joie perçant sa poitrine non plus, elle l’observe sans perdre son souffle déjà épuisé à force d’avoir brassé l’air avec ses bras toutes la soirée pour danser en pensée avec les bleus. Béatrice elle est pas compliquée non, si fallait la décrire elle serait un champ de fleurs, tellement libre parfois, une valse de pétales qui s’envole dans les airs et elle se croit libre de tout, surtout ce soir, apparemment quand les joues collent et les bouches sont rougies par les rires et les folies de la langue française. Béatrice elle se croit tout permis depuis qu’elle est petite, parce que les campagnes de Bretagne sont bien différentes des contours pollués de l’hexagone et elle aimerait bien lui dire à Sam, qu’il lui plait absolument comme on ose faire dans les films, mais sa peau brille et ses yeux aussi, à vous de dire si on parle de Béatrice, si on parle de Sam.



Dans le bar c’est la cohue, elle est aveuglée par le bleu des drapeaux et le blanc pique pendant que l’écarlate monte à la tête, surtout Béatrice retient la poigne de Sam et elle se dit que l’angle de chute est parfait, un peu trop calculé peut-être pour lui voler l’air dont elle manque, baiser clandestin sous la vague des supporters, elle se répétait que c’était l’euphorie du moment, le triomphe, mais ses mains sur la figure du vil Sam l'instant d'avant disaient tout le contraire.
Quand elle s’recule il a les couleurs du pays sur les joues en double.

Tu est totalement déconnecté de la réalité, si on oublie le fait que ton corps est fidèlement agité par l’émotion du moment. Celle de la victoire, cette raison qui te pousse à gueuler un peu plus fort et à exprimer tes sentiments sans aucune pudeur. Car oui t’es heureux, même si gagner la coupe du monde ne changera rien à ta vie. Cette vague de bonheur est bonne à prendre, elle fait du bien au moral de chacun et tu n’auras de cesses de sourire un peu plus en te remémorant tous les instants qui t’ont fait vibrer. Comme tu n’oublieras probablement pas aussi facilement le contact de ses lèvres contre les tiennes. Elles qui t’appelaient si ardemment, et bien c’est Béatrice qui te surprend dans son élan. Tu profites de l’instant, de l’avoir si proche de toi que les mèches de ses cheveux qui retombent sur vos visages et chatouillent ainsi tes joues est la chose que tu préfères après la douceur de ses lèvres. Tu es là, suspendu à cette sensation qui anime un peu plus ton rythme cardiaque. Celle que tu tais en accusant l’excitation de la victoire et non pas celle de l’embrasser pour la deuxième fois. Comme une réponse à ton baiser sur la plage, tu as peur d’écarter ton visage parce que tu veux pas que ça s’arrête tout simplement. En témoignent tes mains qui glissent dans sa nuque pour profiter jusqu’à la dernière seconde de ce moment.
C’est le rouge de ses joues que tu vois quand elle recule son doux visage. Et le trouble dans ses yeux brillants. Reflet parfait du tien qui anime tes grands yeux bruns. Tu as envie de replonger sur sa bouche, elle qui t’appelle encore. Elle est tellement craquante avec les joues cramoisies, sans déconner ! Et tu n’as pas envie de la laisser retomber par terre non plus. Elle est là bien, les jambes enroulées autour de ta taille. Poids plume mais si chaud contre toi. Tu la fixes dans les yeux, comme un enfant qui en redemande. Serait-ce de l’abus de lui voler un énième baiser ? Tu te pinces les lèvres avant de craquer malgré tes efforts. Ta bouche vient chercher la sienne et ta langue qui désire rencontrer la sienne en souvenir de la plage. En souvenir de ces secondes plus tôt où rien ne comptait plus que votre baiser.

Les bières se lèvent et arrosent les supporters déchaînés, Béatrice a plus l’habitude qu’on la tienne, qu’on la garde près, la proximité ça lui allume la peau, elle est comme une de ces lampes qui changent de couleurs et elle le regarde, elle sait bien que son souffle excédé dit bien plus que des mots, elle est pas sûre qu’après ça elle ajoutera quoique ce soit. Y a un bref mouvement de recul entre Sam et elle quand il l’embrasse de son plein gré, parce qu’elle a pas eu l’impression les autres fois que ça l’avait émue comme ça sauf qu’elle ira pas lui chuchoter ça à l’oreille, d’ailleurs elle a fini par lui fondre dessus et fatiguer leurs poumons avec ses baisers maladroits.



A la fin ses mains disparaissent entre les mèches sombres du barman, elle le regarde distraitement, parfois elle lève les yeux sur l'écran géant, elle lui demanderait bien une boisson gratuite mais il a l’air d’avoir interrompu son service entre temps; Quand elle se décolle de Sam c’est pour se caler dans le ridicule espace restant entre eux deux et elle le tire loin d’ici avec ses yeux, ou peut-être qu’elle lui conseille de rester là elle est pas sûre encore.